Au nom de la nature

Au nom de la nature

Un nouveau pas au nom de l'esprit de réconciliation et de gestion partagée, la Fondation pour la protection des sites naturels collabore avec des aînés autochtones pour aider à revitaliser les langues traditionnelles dans les réserves naturelles.

ÉCRIT PAR JON MACNEILL, GESTIONNAIRE DES COMMUNICATIONS


Spasaqsit possesom nous raconte une histoire lorsque soudainement ses yeux se rétrécissent et fixent quelque chose dans l'eau. Sa bouche s'ouvre et sa mâchoire pend alors qu'il tend un bras et pointe. 

"Rat musqué!" murmure spasaqsit à demi-voix. "Il nous regardait!" 

Nous scrutons la surface sombre du marais de cèdres, au-delà des iris bleus qui bordent le rivage, à travers les roseaux, les quenouilles et les nénuphars, à la recherche de cette ondulation révélatrice dans l'eau. 

Pendant que nous observons, le grand chef Wolastoqey sort une photo du drapeau de sa nation sur son téléphone, démontrant un homme et une femme pêchant sur la belle et abondante rivière Wolastoq, avec un rat musqué nageant en tête. 

"Notre totem est le rat musqué. Il nous a aidés à trouver la médecine", explique spasaqsit, pointant du doigt une touffe de racine de rat musqué (Acorus calamus) à proximité. 

"Si vous voyez un rat musqué, la racine de rat musqué est là aussi, c’est garanti. À l'automne, nous creusons la racine, la séchons, et l'utilisons en infusion pour les maux de gorge et les rhumes. Nous mangeons le rat musqué aussi, c'est une bonne viande. Et nous utilisons la fourrure. C'est notre totem." 

Le drapeau original des Wolastoq, « le peuple de la belle et abondante rivière ». Source : treatyeducationresources.ca

Il est très approprié que ce symbole apparaisse pour spasaqsit aujourd'hui. Il est ici, debout sur les rives de la réserve naturelle Ketch Lake, spécifiquement à la recherche d'un tel signe. 

L'aîné autochtone, dont le nom colonial est Ron Tremblay, participe à une nouvelle initiative de la Fondation pour la protection des sites naturels, visant à renommer certaines de nos réserves naturelles dans la langue des peuples autochtones qui ont pris soin de ces terres depuis des temps immémoriaux. 

Au cours des deux dernières années, nous avons invité des aînés autochtones à se joindre à nous dans les réserves naturelles pour recceuillir un sens de la terre, ses caractéristiques écologiques et sa signification culturelle ou historique, et proposer un nouveau nom dans leur langue traditionnelle. 

"Cela a été un voyage vraiment magnifique pour nous", déclare Stephanie Merrill, Directice Generale de la Fondation pour la protection des sites naturels, qui a accompagné spasaqsit à Ketch Lake. 

"Nous voulons reconnaître que ces endroits avaient des noms auparavant, et ces noms décrivaient souvent déjà la beauté ou la forme du paysage. C'est un petit pas que nous pouvons faire dans notre démarche de réconciliation et de gestion partagée de la terre, pour revitaliser certaines langues dans ces réserves que nous entretenons pour tous." 

C'était la deuxième visite de spasaqsit à Ketch Lake. Le premier voyage, à l'extrémité opposée de la réserve, était au cœur du marais, et spasaqsit avait du mal à se connecter avec l'environment. 

"On essaye de comprendre la terre", dit-il. "Avoir une idée des caractéristiques et des animaux." 

La visite du rat musqué lors de ce deuxième voyage était la muse dont spasaqsit avait besoin. La réserve autrefois appelée Ketch Lake Nature Preserve, dans la région de Meductic du comté de Carleton, est devenue la réserve naturelle de Sankewopekahk, signifiant "un endroit d'eau calme et immobile." 

spasaqsit possesom et la coordinatrice de l'intendance de la Fondation pour la protection des sites naturels, Alex Ouellette, observent la zone humide à la réserve naturelle de Sankewopekahk. 

Sankewopekahk est la sixième réserve à être renommée de cette facon. Les quatre premières incluent : 

• La réserve naturelle de Malsonawihkuk dans les basses terres du Grand Lac. Cela signifie "lieu des érables argentés." 

• La réserve naturelle de Noloqonokek, également dans les basses terres du Grand Lac. Noloqonokek est le nom traditionnel Wolastoqey de ce qui est maintenant connu sous le nom de "Middle Island". "Nolomiw" fait référence à "en amont" et "qono" fait référence à une "longue période de temps". 

• La réserve naturelle de Sasokatokuk, dans la région de Meductic, est le nom Wolastoqey de la "Big Presque Isle Stream" et se traduit en français par "rivière droite". 

• La réserve naturelle de Welamukotuk Cinerea, nommée d'après le nom Wolastoqey traditionnel de l'île Oromocto, "Welamokətok", et le nom scientifique du noyer cendré, "Juglans cinerea." "Welamokətok" on peut décrire par "l'endroit de la bonne pêche où l'eau est profonde." 

La DG de la Fondation pour la protection des sites naturels, Stephanie Merrill, traverse les hautes herbes à l'ancienne réserve naturelle de l'île Tobique, avec spasaqsit possesom qui la guide en avant.

Nous avions visité la cinquième, autrefois la réserve naturelle de l'île Tobique, plus tôt dans la journée. 

Donner à cette réserve un nom Wolastoqey traditionnel était particulièrement significatif pour spasaqsit, ayant grandi non loin de là à Neqotkuk (première nation de Tobique). 

Il suggère un détour alors que nous nous rendons à la réserve, afin de montrer des repères de sa jeunesse – l’endroit de baignade où lui et ses amis allaient en vélo après l'école, avec une eau si claire que vous pouviez y jeter un caillou blanc et le récupérer; l'endroit où les eaux d’innondations ont emportés le pont ferrié de Perth en '72. 

Après avoir pagayé à travers un courant étonnamment fort, la rivière gonflée par les fortes pluies récentes, nous débarquons sur la plage de galets de l'île et frayons un chemin à travers l'herbe haute qui protège l'intérieur de l'île. 

À un moment donné, spasaqsit plie les genoux et examine des empreintes de cerf dans la boue. 

"Ils dorment probablement ici dans cette herbe longue, sachant que le coyote ne peut pas les sentir après avoir nagé dans l'eau", dit-il. "C'est mon avis." 

Quelques minutes plus tard, nous tombons sur une zone d'herbe tassée. "Regardez", dit spasaqsit. "L'un d'eux s’est probablement couché juste là." 

Nous continuons, encouragés par un jaseur des cèdres qui pépie au-dessus de nous, dans une nouvelle couche aussi épaisse de végétation: la fougère d'autruche, si haute et dense qu'elle effleure nos joues avant de se plier pour révéler des peupliers et des morceaux de bois mort au cœur étroit de l'île. 

Lorsque nous atteignons l'autre côté, de retour sur une étendue de plage, spasaqsit s'éloigne du groupe. Il semble attiré par la ligne d’eau, se dirigeant vers la pointe longue de la plage. Il se penche et laisse l'eau claire et rapide couler entre ses doigts. Il étudie les pierres, certaines rondes, certaines oblongues, toutes lissées par l'eau et le temps et recouvertes d'une couche de poussière et de saleté soulevée par les pluies. 

"J'aimerais faire du kayak autour de l'île", dit spasaqsit lorsqu'il revient vers le groupe. "J'aimerais la voire de cette façon." 

Pagayant autour de l'ancienne réserve naturelle de l'île Tobique. 

C'est de cette perspective, alors que nous pagayons autour de la réserve d'environ 14 acres, en regardant le cordon de plage de galets entourant les hautes herbes, les arbres droits et ces fougères étonnamment épaisses, que le nom lui est venu: Réserve naturelle de Mahsusuwi-monihkuk, signifiant "un endroit d'île de fougères." 

Nous n'apprenons pas les nouveaux noms ce jour-là, cependant. spasaqsit ne le révèle pas encore. Il doit rentrer chez lui, en discuter avec d'autres aînés et confirmer les noms avec ses ancêtres a travers des cérémonies. 

Même si nous ne sommes pas immédiatement révélé le nom, personne n'est déçu. Après une longue journée sur la terre avec spasaqsit, il n'y a qu'un sentiment de gratitude parmi le groupe pour l'opportunité d'assister à ce processus. 

"Être ici sur la terre avec vous et d'autres aînés est le point fort de ce travail", dit Stephanie à spasaqsit après lui avoir remis un petit hommage de tabac. "Avoir la chance de partager ce temps ensemble, d’apprendre à se connaîtrent et de connaître ces terres que nous adorons tous - c'est un petit pas dans ce voyage de gestion partagée, mais ça tiens énormement de valeur pour nous." 

Stephanie Merrill, DG de la Fondation pour la protection des sites naturels, et spasaqsit possesom. 

Communications Nature Trust